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Entretien avec le Dr Agossou Mèssè Q.B. Sagbo, psychologue clinicien

Entretien mené par Laurent Ladouce

 

Vous exercez en ville avec une clientèle urbaine. Beaucoup de psychologues béninois viennent d’ailleurs plutôt de milieux citadins. Or, vous êtes un enfant de Dangbo, commune rurale, et traditionnelle aussi, à l'urbanisation récente et rudimentaire. Comment un villageois s’est-il formé à ce métier encore très citadin ?

Comment un psy clinicien peut venir d'une contrée rurale ? Je ne saurais le dire explicitement. Mais un facteur s’impose, dont j’ai entendu parler toute mon enfance et dans ma jeunesse : la vallée de l'Ouémé a donné beaucoup de grands cadres de notre pays. Il fut une époque où on dénombrait plus de cadres de cette vallée que de toutes les autres régions du pays. Cela traduit l'influence des ressources naturelles de cette région sur le capital intellectuel de ses fils et filles. J'ai sûrement bénéficié de cette influence aussi, pour parfaire l'héritage ancestral que je porte dans mon âme. Cela éclaire probablement mon choix de la psychologie clinique. Je pense avoir reçu un appel à travailler au développement humain.

Comment naît votre vocation de psychologue ? Dans votre milieu familial, quel déclic a pu vous motiver à vouloir explorer l’âme humaine autrement que par la théologie ou la philosophie, disciplines plus établies et structurées au Bénin ?

Je suis depuis l’enfance curieux de comprendre tout ce qui attire mon attention. Cela passe par l’exploration, l’expérimentation ou l’observation de l’objet ou de la situation qui m’intéresse. Cette disposition est restée en moi. Petit, je voulais savoir ce qui parle dans une radio. Adolescent, je désirais connaître les vertus des plantes et bien d’autres choses. Grâce à mon père, ce désir de savoir se porta sur l’être humain car nous suivions une émission, « au-delà du réel ». L’animateur spiritualiste et ésotériste Ermensio Godson donnait des astuces pour comprendre les problèmes de l’être humain et pour la réalisation de soi. Il a beaucoup influencé ma conception du monde.

Pour compléter mes connaissances, j’entrepris de lire des ouvrages philosophiques à la bibliothèque nationale de Porto-Novo. Je voulais comprendre l’Homme et son monde et pouvoir le guider à surmonter ses difficultés. Étant en seconde, je pouvais discuter avec mon professeur de philosophie des sujets qu’il qualifiait de « niveau Terminale ou programme universitaire ».

   

Ferdinand Oyono (1927-2010) et deux de ses romans les plus célèbres

J’étais aussi attiré par le visage souffrant de l’homme que je rencontrais dans la littérature. Les ouvrages « une vie de boy » et « le vieux nègre et la médaille » de Ferdinand OYONO, « l’esclave » de Félix COUCHORO, « Allah n’est pas obligé » de Amadou KOUROUMA, « un piège sans fin » de Olympe B. QUENUM, etc. m’ont introduit dans le réel vécu de la communauté africaine. Comment en-sommes-nous arrivés là ? Et bien d’autres questions.

                     

Olympe Quenum (né en 1928)                                          Félix Couchoro (1900-1968)

Avec l’orientation de mon père, j’ai découvert la psychologie comme une réponse à l’une de mes interrogations : comment venir en aide à ce visage souffrant que je retrouve autour de moi et à travers notre histoire ?

La plupart de vos confrères psychologues ont étudié en Occident, où cette discipline moderne s’est constituée, et où elle s’enseigne et s’applique massivement, depuis des décennies. Or vous avez fait toutes vos études en restant en Afrique …

J'ai toujours voulu briller en psychologie sans quitter l'Afrique, pas par orgueil mais par devoir d'éducation et de justice. Notre génération a une pratique d'inégalité qui consiste à trop valoriser des intellectuels africains ayant étudié en Occident au détriment de ceux qui ont leur diplôme au Bénin. Cette injustice mérite d'être corrigé. Nous sommes tous égaux. Je peux avoir étudié au Bénin et dépasser quelqu'un qui a étudié au Canada ou ailleurs. La différence, c’est le travail personnel. Notre compétence ne dépend pas de la grandeur d'un pays ou d’une université. Nous sommes capables d'exceller n'importe où ! Tout dépend de nous-mêmes.

Qu’est-ce qui vous motive encore le plus, chaque jour, à exercer ce métier ? Qu’est-ce qui vous inspire à l'exercer, que diriez-vous pour faire aimer cette discipline ?

C’est la vie. Sauver ou préserver la vie de quelqu’un, d’une communauté, voire d’un peuple de la menace de la mort ou d’une épidémie psychique et l’aider à retrouver la paix intérieure comme physique, espérer le bonheur, devenir acteur de celui-ci au quotidien et être utile pour la société, c’est le fait le plus beau, le plus noble que nous avons le devoir d’accomplir avec un grand plaisir. Rien ne donne plus de joie que de voir une personne accéder à la connaissance d’elle-même et jouir pleinement de sa vie car tant d’êtres humains, vieux et jeunes vivent loin de la vraie vie qui leur est destinée.

Que cherche un psychologue face à un patient en souffrance ? Y a-t-il un programme préalablement défini pour une consultation ?

Le psychologue face à la souffrance n’ a qu’un objectif : aider son patient à être soulagé de ses maux et à retrouver le bien-être. Le patient partage sans doute ce même objectif. Le psychologue élabore un programme thérapeutique à partir de la consultation, en veillant à l’ajuster au cours du traitement car chaque client est unique. Cela vaut aussi pour chaque séance de soin. Mais il doit avoir une démarche clinique et celle-ci peut être préalablement connue s’il a de l’expérience.

Martin Seligman, pionnier de la « psychologie positive » déclara un jour, provocateur, qu’il se lassait de voir sans cesse des névrosés. Pour lui, le psychologue n’est pas seulement là pour aider un « patient » à aller moins mal, mais pour voir avec des clients comment bâtir un projet valorisant afin de s’épanouir et d’être heureux. Le psychologue est-il uniquement un thérapeute qui soigne des malades, ou est-il aussi un formateur pour aller vers le mieux-être psychique ?

Soignant et thérapeute, le psychologue est aussi un acteur clé du développement humain et social. Son rôle couvre tous les domaines : économie, social, politique, environnement, technologie, genre. Partout où se trouve l’humain, le psychologue doit être présent. J’ose dire qu’il est tout aussi important que le politique pour la gestion efficiente d’une communauté en vue d’un réel développement durable. Concrètement, il travaille dans les familles, les écoles, les entreprises, pour la cohésion sociale au sein du peuple comme entre l’État et son peuple.

Si vous venez expliquer votre métier à Dangbo, et que les gens vous demandent : « pouvez-vous nous aider à être plus heureux et à nous développer ici ? » que répondrez-vous ?

Je répondrai : oui. Puis je leur demanderai : « En quoi puis-je vous aider ? Allez-vous contribuer ? » Alors on se mettra au travail. Et ce serait un travail bien fait car c’est chez moi. Dangbo mérite qu’on lui donne avec joie ce qu’on a reçu d’elle, autrement dit la vie. Je suis sincère dans les mots que je choisis et utilise. Alors je leur dirais : « Dangbo est tout pour nous et nous ferons tout pour elle. Il ne s’agit par seulement de Dangbo, mais de tout le Bénin et l’Afrique. »

Peut-on dire que la psychologie contribue au développement humain ?

Ça vient ! Nous sommes déjà auprès des patients qui ont besoin de nous. Il reste du chemin à faire. Pour ma part, le moyen le plus rapide et le plus sûr est de joindre la psychologie à la gouvernance béninoise. Les deux doivent s’unir pour la gestion de la cité. Cela passe par l’introduction de la psychologie dans tous les secteurs. J’ose dire que nos dirigeants commencent à s’entourer de conseillers psychologues. C’est une nécessité pour un gouvernement de cohésion sociale. Tout développement doit passer par cette unification des deux disciplines.

Essayons de définir la psychologie. Pouvez-vous préciser ce qu’elle étudie, quels types de problèmes elle entend résoudre, sur quelles méthodes elle s’appuie ?

La psychologie se définit comme l’ensemble des différentes manières par lesquelles on essaie de comprendre et de faire épanouir l’être humain pris seul dans son histoire et en relation avec les autres. Elle étudie l’Homme en général et en particulier, où qu’il soit, quoi qu’il fasse. Ayant pour objectif d’amener l’Homme a une meilleure vie, la psychologie entend créer des conditions nécessaires en vue de cette meilleure vie. Ces conditions touchent à la vie intérieure comme à la vie extérieure. Pour y arriver elle a le choix de partir :

- des conclusions tirées de l’analyse des cas d’un individu qu’elle généralise

- des conclusions tirées du vécu d’un groupe d’individus qu’elle applique à l’individu

- enfin des conclusions tirées d’une situation expérimentale qu’elle applique par analogie à l’espèce humaine.

Pour le grand public, pouvez-vous expliquer les différents types de psychologie ? Qu’est-ce qui distingue par exemple le psychologue clinicien, du psychologue d’entreprise ?

Aujourd’hui nous comptons 7 types de psychologie à savoir :

- psychologie expérimentale : on crée artificiellement un environnement dans lequel on étudie le comportement d’un chien par exemple. On applique ensuite les conclusions à l’humain du fait qu’il est du règne animal.

- psychologie du développement : on cherche à connaître les étapes par lesquelles l’Homme grandit de la conception à sa mort, ce qui le caractérise à chaque étape et ce qui peut l’empêcher de vivre heureux. Elle met aussi en exergue ce qui peut troubler son esprit jusqu’à constituer son mal.

- psychologie sociale : elle veut comprendre de quelle manière l’Homme vit avec les autres, comment il influence autrui et vice-versa. Que reçoit-il des autres et que donne-t-il ?

- psychologie appliquée : elle définit les outils pour comprendre le fonctionnement de l’Homme et comment le soigner. Elle définit aussi les conditions d’application pour des résultat valides, fiables et exacts.

- psychologie béhavioriste (du comportement) : elle veut comprendre comment le comportement peut être influencé, contrôlé, manipulé, appris et renforcé.

- psychologie de la forme (Gestalt) : ici on veut déterminer les qualités de la forme d’un objet dessiné ou conçu par l’Homme.

- psychologie cognitive : elle veut comprendre comment l’Homme apprend et rend compte de ce qu’il a appris. Elle travaille aussi à définir les condition pour faciliter l’apprentissage facile.

S’agissant de la différence entre le psychologue clinicien et celui de l’entreprise, le psychologue clinicien et de psychologie du développement étudie en profondeur l’histoire d’une personne pour trouver la ou les cause (s) de sa souffrance. De plus il offre les moyens de soigner ce mal et mène le sujet vers l’épanouissement plus stable et durable. Le clinicien peut intervenir partout. Le psychologue de l’entreprise travaille uniquement au sein d’une entreprise pour la cohésion entre le poste et le personnel, entre le personnel et l’administration, entre les membres d’une équipe, préside au recrutement. Il œuvre à l’épanouissement à la fois du personnel et de l’entreprise En général, une personne consulte un médecin parce qu’elle a des symptômes, souvent accompagnés de souffrance physique.

Quels sont les symptômes d’un mal-être psychique et quelles souffrances mentales traversent les personnes qui vous consultent ?

Cette question renvoie à toute la nomenclature de la psychopathologie et de la psychologie et à la vie de mes patients. En règle générale, il y a mal-être psychique dans les cas suivants :

- lorsque le sujet ne reconnaît pas son identité et perd le contact avec la réalité,

- lorsqu’une personne a des figements dans ses humeurs et son adaptation aux situations dans lesquelles elle se trouve,

- lorsque le sujet ressent en lui de manière consciente des phénomènes indésirables en rupture avec l’idée qu’il se fait de lui-même,

- lorsqu’un sujet observe des changements du mode de pensée, de l’humeur ou du comportement associés à une détresse ou/et à une altération des fonctions mentales. Pour être encore plus simple, lorsque quelqu'un sent qu’il souffre en lui-même et/ou fait souffrir son entourage, alors il y a mal-être psychique.

Nous recevons des patients qui se retrouvent dans tous ces cas énumérés ci-dessus.

Qu’est-ce qui définit la santé mentale ? Quels sont les grands critères ?

La santé mentale implique d’abord l’absence de souffrance chronique dans la manière de sentir, réagir, penser, agir et de ressentir vis-à-vis de soi-même et ensuite par le fait d’être en accord avec la nature ou l’univers par ses pensées et comportements. Les deux aspects comptent pour définir la santé mentale. On se demandera : est-ce que j’arrive à surmonter mes difficultés et à tourner la page franchement ? (attention il ne s’agit pas de les refouler) Puis ce que je pense ou fais est-il en accord le règne normal de la nature autour de moi ?

La psychologie moderne est largement née dans le monde occidental. Quels aspects de la psychologie vous semblent totalement universels ? Certaines méthodes qui fonctionnent en Occident sont-elles inopérantes ailleurs, et pourquoi ? Quels aspects de la psychologie doivent être profondément adaptés au contexte africain pour pouvoir réussir ?

Je pense d’abord que chaque peuple dispose de cette science même avant qu’elle ne soit moderne et ne prenne le nom universel de psychologie. À ce propos, il me plaît de rendre hommage au peuple le plus ancien du genre humain : l’Égypte ancienne, appelé encore KMT qu’on traduit par la terre des noirs ou des personnes à peau mélanisée. Ce sont eux qui les premiers enseignent et pratiquent la psychologie. L’égyptologie nous l’a démontré aujourd’hui. Leur pensée me paraît plus universelle. Elle est reprise par le psychiatre Suisse Carl Gustave Jung qui a d’ailleurs effectué des voyages en Afrique en 1925 (Kenya, Éthiopie, Soudan, Égypte) et sur d’autres continents du monde, preuve de l’universalité de sa théorie. Il dit d’ailleurs après ses voyages, qu’il y a dans chaque culture et civilisation un phénomène unique mais aux manifestations diverses.

Rares photos de Carl Gustav Jung (à droite sur la photo de droite en Afrique)

Par exemple la notion d’un être suprême, le bien et le mal, la représentation de la femme et de l’homme, l’amour, etc. De ses observations, il conclut, tout comme nos ancêtres égyptiens, ce qui suit :

- l’Homme vit par une énergie, de laquelle il provient

– Elle lui donne une âme et la structure en inconscient collectif ou d’un héritage ancestral, ce qui l’amène à agir comme les hommes qui n’ont pas vécu à son époque ; puis en inconscient personnel riche de ses propres vécus ; d’une conscience dotée de quatre fonctions pour se conduire, s’informer, décider et s’organiser dans le monde

- cette énergie rend aussi l’Homme naturellement religieux sinon spirituel de sorte que tout ce qu’il fait à une valeur spirituelle

- tous les problèmes de l’homme viennent soit de son monde intérieur soit de son semblable,

- derrière la différence culturelle se cache une certaine unité et de fait, chaque culture devrait être respectée comme sa propre culture.

Cet aspect de la psychologie nous paraît plus universel. Certaines méthodes efficientes en Occident trouvent effectivement leurs limites en Afrique. Elles s’appuient en effet sur des particularismes où la culture occidentale diffère des cultures d’autres peuples de la terre. Car au-delà de la ressemblance intrinsèque des cultures et de la personnalité de tous les êtres humains, des dissemblances existent aussi. Les deux grands aspects de la psychologie qui méritent d’être repensés en Afrique sont la psychologie béhavioriste ou du comportement (où tout comportement est appris, etc.) et la psychologie du développement en particulier la psychanalyse freudienne qui ramène tout au sexuel avec le Complexe d’Œdipe. En contexte africain, les choses ne se passent pas véritablement ainsi. Elles sont plus complexes.

On consulte un psychologue pour des maux intérieurs, un mal-être psychique ou existentiel parfois chronique. On consulte aussi pour des crises soudaines, imprévues : accident, catastrophe, scène d’horreur, perte de son emploi, autre trauma. La personne, qui était en bonne santé mentale est soudain désemparée. S’agit-il du même métier, et qu’est ce qui est différent ?

La nature humaine est d’attendre les situations de menace, de mort pour demander de l’aide. Or cela ne devrait être ainsi. Même le bien-portant physiquement et peut-être mentalement a toujours besoin de consulter. D’où le proverbe Fon : « même dans la prospérité, le riche doit consulter le devin. » Mais pourquoi ? Sans doute pour sécuriser sa prospérité, la solidifier profondément pour la rendre durable. C’est aussi le rôle du psychologue d’aider le bien-portant à rendre durable sa santé et la partager autour de lui (ses enfants, amis, collègues, parenté). La connaissance de soi, du futur conjoint, du métier qui permettra de s’épanouir, du domaine où on peut exceller, du sport qui procurera une santé physique, des amis avec lesquels vous pouvez entreprendre, du poste où vous pouvez mettre en valeur vos potentiels et impacter positivement, comment éduquer vos enfants pour une cohésion familiale, tout cela n’évoque pas de mal-être, mais mérite une consultation psychologie pour être su.

Au niveau politique, quel est le désir du peuple, son mal-être, sa volonté, son attente vis-à-vis du pouvoir, quel profil de chef conviendra pour tel peuple, quelle sont les conséquences de certaines décisions sur le peuple, comment doit-il s’y prendre, etc. tout cela relève aussi de la psychologie politique sans doute. Il s’agit dans chaque cas de développement humain.

Comment s’organise la profession, actuellement au Bénin ? Trouve-t-on des psychologue sur tout le territoire ? Quels sont les pays d’Afrique les plus avancés dans la psychologie institutionnelle ?

La psychologie est en plein essor ! Elle attire beaucoup d’étudiants aujourd’hui. Et elle plus connue en ville avec les collègues agissant en libéral. La prise de conscience de l’importance du psychologue est encore insuffisante dans le secteur public. Les milieux ruraux bénéficient des compétences des psychologues grâce aux projets internationaux mais cela reste encore limité à quelques secteurs. Aujourd’hui la grande volonté des collègues a permis à notre pays de se doter de deux grandes associations à savoir l’Association Béninoise des Psychologues Cliniciens (ABPC) et l’Association des Psychologues Praticiens du Bénin (APPB). Des tendances de spécialisation dans les différents courants s’observent. On retrouve en premier les plus dominants, ceux du courant psychodynamique sans doute freudien, cognitivo-comportementaliste, systémique, positiviste et analytique dont je fais partie. Au début, les collègues surtout cliniciens travaillent dans les cliniques de la médecine générale. Mais de plus en plus les cabinets se créent parmi lesquels notre cabinet fait partie des premiers légalement enregistrés.

Le psychologue a souvent une forte personnalité. On pense qu’il est profond et sait pénétrer dans les secrets du moi. Il sonde les sentiments et les pensées, comme le chirurgien qui pénètre dans nos viscères pour nous soulager de la souffrance. Est-ce votre expérience, ou diriez-vous plutôt que le psychologue passe sa vie à résoudre quelques cas précis, mais se pose les mêmes questions sur la condition humaine que n’importe qui ?

Tout dépend de sa formation, de son orientation et de l’option professionnelle qu’il a choisie.

Je pense sincèrement que c’est en multipliant les cas et en renforçant ses capacités à soigner que le psychologue parvient à se construire une personnalité et une compétence forte. À ce moment il ne fait plus une psychologie théorique qui se contente de présenter une philosophie de l’homme, de ses problèmes. Il est le témoin d’une psychologie pratique, actuelle, efficace, qui relève le malade, renforce le faible, redresse le courbé, apaise le troublé, éclaire le confus, adoucit le violent, rajeunit le désespéré, fait réussir celui qui a connu l’échec, unit les divisés.

Il se présente alors comme celui qui pénètre tout mystère et dispose d’une puissance pour transformer le mal en bien, la souffrance en soulagement. On pourrait dire qu’il connaît presque tout le conscient et l’inconscient de tout Homme. De ce niveau, il lui faut être en perpétuelle expérimentation d’une psychologie à l’écoute du monde au jour le jour, et qui ose trouver des solutions à ses problèmes. C’est l’expérience personnelle que j’essaie de vivre quotidiennement.

Sans suivre cette voie, un psychologue passera sans doute sa carrière à résoudre quelques cas et à toujours se poser les mêmes questions sur la condition humaine que n’importe qui.

On dit parfois de certaines personnes qu’elles sont « psychologues », même si ce n’est pas leur métier. Comment le psychologue clinicien voit-il cette psychologie populaire ? Diriez-vous que votre métier est aussi d’aider les gens à devenir un peu plus psychologues, ou bien est-ce totalement différent ?

Sans l’être de formation et de profession, des personnes sont dites « psychologues » de par leur facilité à comprendre, à conseiller et à soutenir avec justesse leur entourage. Certaines, par la lecture des ouvrages de psychologie et pour de multiples raisons peuvent penser ou paraître psychologues.

C’est à la fois une erreur et une méconnaissance de la psychologie en tant science dûment constituée et pratique assez complexe, technique et profonde.

Un psychologue de formation et de profession peut par son exercice répandre dans son entourage la compréhension qu’on devrait avoir de certains faits, ce qu’on devrait fait face à certaines situations, comment éviter tel problème, mais cela ne suffit pas pour que cet entourage se proclame psychologue. Peut-on se dire médecin par ce qu’on sait administrer le paracétamol à un mal de tête et autres médicaments à quelques affections ?

Notre métier n’aide pas à être psychologue ! Il aide à soigner et à développer l’humain pris individuellement et en groupe à tous les âges, où qu’il soit et quoi qu’il fasse.

Que faut-il, à votre avis, pour devenir un bon psychologue ?

Il faut en premier une formation universitaire obligatoire, un approfondissement de sa connaissance, jusqu’à se choisir une orientation psychologique précise, c’est le second point. Troisièmement se faire suivre soi-même par un autre psychologue plus avancé de la même orientation pour se soigner, quatrièmement appliquer son savoir sous la direction d’un aîné du domaine, cinquièmement faire une psychologie ouverte sur le monde d’hier, d’aujourd’hui et de demain, enfin rester ouvert aux autres branches et courants de la psychologie et des autres disciplines.

La phrase « connais-toi toi-même » figurait à l’entrée du Temple de Delphes. On l’attribue parfois à Socrate, le sage d’Athènes et l’un des précurseurs de la philosophie. Peut-on transposer cette phrase à la psychologie ? Est-il demandé au psychologue de se faire examiner par autrui avant de commencer à examiner les autres ?

Celui qui veut être psychologue clinicien dans la pratique doit non seulement s’examiner mais se soigner avant de prétendre faire de même pour les autres. Jung disait : « qui n’a pas une bonne relation avec soi ne saurait l’avoir avec les autres ». Autrement qui ne se connaît pas jusqu’à se soigner ne peut prétendre bien comprendre l’autre au point de l’aider à se soigner.

Cependant certains psychologues ne le font pas ou ne sont pas obligés de le faire. Cela se comprend pour le psychologue qui n’est pas clinicien. Mais un psychologue clinicien qui ne passe par cette étape est un cordonnier mal chaussé.

Dans notre cabinet, nous y travaillons chaque fois que nous avons des stagiaires en psychologie clinique, c’est un impératif.

S’agissant de se connaître, Timothy Keller observe : « être aimé, sans être connu fait du bien, mais superficiellement. Être connu sans être aimé est notre plus grand effroi. Mais être pleinement connu et vraiment aimé, c’est quasiment comme être aimé de Dieu. C’est ce dont nous avons besoin par-dessus tout. » Vous n’êtes pas pasteur, mais en tant que psychologue, que vous inspire cette observation ?

Cette citation décrit simplement le psychologue clinicien face à son client qu’il connaît et comprend mieux que le pasteur mais qu’il aime à la fois. Le psychologue clinicien expérimenté en consultation est comme Dieu. Il a entre ses mains la vie de quelqu’un dont il a connaissance du passé et du présent dans les détails et peut aussi prédire son futur. C’est une expérience magique et céleste ! C’est comme une révélation de l’être qu’il observe devant lui et qui attend de lui des solutions !

À ce moment le psychologue paraît puissant ou tout-puissant, surtout quand le client lui confie désespérément : « les médecins ont tout fait, n’ont rien trouvé. Ils me disent d’aller voir le psychologue. L’un deux m’a dit que vous êtes bon et m’envoie vers vous. » D’autres ajoutent même : « mes prières n’ont pas marché ... » ou bien c’est le pasteur qui vous l’envoie.

Très soucieux d’aider le patient à aller mieux, le psychologue désire donner le meilleur de lui-même dans cette situation. De tout son cœur et de tout son esprit, de toute son âme, il veut que son client aille mieux. Ce désir profond et sincère est une preuve d’amour. La suite de tout le processus thérapeutique sera cette preuve d’amour. Le résultat obtenu est le fruit de cet amour donné et reçu.

À vrai dire chaque consultation psychologique est une histoire d’amour entre le psy et son client. C’est aussi une expérience tant physique que spirituelle.

Quels sont les psychologues que vous prenez comme modèles et pourquoi ?

À chaque étape de ma carrière, j’ai un modèle. Je modifie mes modèles en fonction de mes objectifs professionnels. Aussi puis-je vous confier que je n’ai pas que des modèles psychologues du fait que je suis ouvert à toutes les autres disciplines dont la physique-chimie, les mathématiques, la biologie, l’histoire, les sciences politiques. Car je conçois la psychologie comme transversale à toutes les autres disciplines. Un bon psychologue doit connaître quelque chose des autres sciences. J’ai donc plusieurs modèles et plus contemporains.

S’agissant de psychologie, Carl Gustav Jung est mon modèle actuel car ses travaux sont plus universels, complets, pratiques et applicables de nos jours. Le béninois Mahouignito Djehouty Olou Dodji est mon modèle en physique-chimie surtout avec ces récents travaux sur les fusées.